Vous devez avoir reçu, Madame, une âme assez mâle et énergique; vous avez dû beacoup voir et entendre, mais plus encore écouter et comprendre; vous avez dû sentir plus que vous n'ayez observé et compris. Vôtre genie vous traça une route sur la quelle vôtre coeur et vôtre âme furent vos meilleurs guides; vous avez visé à un but, dont les plus grands modèles de l'art vous dévoilérent la hauteur tandis que vôtre originalité vous en applanit l'atteinte.
      Un langage plein de grace et de persuasion; un style par moment modeste et hardi, mais toujours passionné et enchanteur; une exposition salutaire des troubles du monde; un essai frappant des dangers et des espérances de la vie; une peinture animée des longues douleurs et des courtes consolations humaines; un contraste bizarre de la destinée inevitable avec celle que les hommes se créent; un tableau expressif des dommages et des ressources qu'on peut trouver en soi même et au déhors; une nuance délicate mais apercevable entre les lois de la nature et celles de la providence; voila, Madame, ce que vôtre ouvrage renferme digne de fixer les regards des gens éclairés. Aussi je pense que les personnes d'une classe inférieure ne sauront guère s'y amuser et par conséquent ils l'appreciéront au dessous de sa valeur, car ce qui donne du prix au mérite c'est toujours l'agrément.
      Mais du fond même d'où nait l'objet de mon admiration, je vois, Madame, s'éléver le sujet de mes doutes. Je veux plutôt m'éxposer à avoir le tort qu'à vous cacher ce qui prend àmes yeux un aspect de raison. Je crains, Madame, deux choses qui seront pourtant l'une et l'autre sans fondement; la première que vous n'ayez pas assez suivi les événements qui pour la pluspart eússent peut-être donné à l'ensemble le charme sûr de la varieté sans nuire à l'unité et à l'intérêt principal; la seconde que vous ayez un peu trop poussé quelques caractères, et précisement ceux de votre héroine et de son amant.